J – 47 : « Lettre ouverte aux internautes et victimes collatérales du Covid-19 »

Lundi 20 avril 2020…

Une date que dorénavant je serais bien en peine de pouvoir oublier. Aux prises avec l’indignation suscitée par le constat des inconséquences, du déni, de l’égocentrisme ou même de l’inconscience concitoyenne face à l’exponentielle propagation virale, je me suis stupidement rendue sur la toile afin d’y répandre à mon tour toute l’étendue de ma déception.

Au même titre que bien d’autres anonymes, je me suis retrouvée piégée par ma propre nature ; humaine de par la naissance, mais surtout douée d’une grande naïveté et probablement d’un profond instinct guerrier, enfoui depuis les temps immémoriaux au plus profond de l’ADN.
Les temps incertains que chacun traverse ne font qu’exacerber cet instinct primaire, face à l’incompréhension, le choc, le basculement d’un monde qui échappe à tout entendement, qu’il soit naturel ou industriel.

Les grandes causes et les grands débats font rage sur les réseaux sociaux, qui se font le porteur d’idéologies ou d’argumentaires contradictoires, et qui malheureusement divisent plus qu’ils n’unissent. L’humain contre le capital, la nature contre l’industrie, les partis politiques contre les générations lanceuses d’alertes, les conservateurs contre les « yellow jackets », le bien contre le mal, la vérité contre le mensonge, le pot de terre contre le pot de fer…
La propagation du virus se fait là, virtuellement, et tue bien plus que son cousin « coronaire » qui, pour sa part, ne cesse de sévir au dehors.

Celui-ci se déplace vite et se révèle extrêmement contagieux. Il n’est maîtrisé par aucun scientifique, et ne possède actuellement aucun remède définitif. Il se propage comme chacun sait par les voies respiratoires, les gouttes, le contact proche ou direct, mais s’accroche également aux surfaces inertes ou aux particules fines, comme celles contenues dans la pollution ou les gaz répandus par les pots d’échappement de tous types de véhicules.
Et pourtant, nombre d’entre-eux continuent de circuler, hors de toute proportion et bien au-delà des besoins professionnels ou de première nécessité.
Les trajets impérieux liés à la santé ou aux familles, ceux menant sur les lieux de travail ou dans les enseignes de grande distribution, dans les fermes, les AMAP, les marchés, ne sont pas les seuls justifiant les déplacements. Les trajets de loisirs demeurent importants.

L’être humain, aux prises avec sa nature grégaire, sujet aux déplacements depuis la nuit des temps, se retrouve soumis à la plus grande des frustrations. Bravant le confinement, il bouge, quelles qu’en soient les conséquences pour lui-même ou sa communauté. Dans un grand réflexe primal, il obéit aux lois du « chacun pour soi » ou de l’ « après moi, la fin du monde ». Le contact humain continue de se faire de manière largement rapprochée, au-delà de tout respect des bases sanitaires les plus essentielles pour espérer sauver le plus grand nombre. Et le virus continue immanquablement sa course.

Ce constat, tant de personnes l’ont fait que le 17 explose. La peur exacerbe la surveillance. L’information remontée devient « délation ». Le langage guerrier, véhiculé par l’État, largement relayé par tous types de médias, inonde les fils de discussion virtuelle.
Chacun se juge et jette la pierre avec une véhémence et une facilité déconcertantes. La méchanceté devient souveraine, comme elle l’a toujours été depuis que le monde s’est fait Homme, pour le malheur de tous. Le contre-pied n’est pas assez puissant pour faire basculer la tendance du bon côté. Le conflit devient roi, une fois encore ; et cela, les gouvernants le savent bien et se servent d’arguments et de mots meurtriers pour l’âme, la liberté et la paix. Avec le plus grand des succès !
L’insulte, le jugement hâtif, la mauvaise foi, le rejet, la sur-interprétation, la frustration ou encore la rage, touchent, écartellent, broient ou tuent bien plus que ne saurait le faire le minuscule microbe à l’origine du confinement mondial.
Tout se lit et se déverse sans réserve, du soutien et de l’adhésion jusqu’à l’opprobre la plus grave. En ces temps de « guerre », menée contre l’invisible, certains se retrouvent taxés de « collabos », et d’aucun précisent parfois qu’il serait temps « de ressortir les tondeuses », ce qui apparaît comme la pire des attaques à l’heure où chacun devrait s’unir sous une même bannière.

Les chefs d’État ont très bien manoeuvrés. Ils savaient qu’en ressortant de l’ombre un champ lexical « guerrier », la division battrait son plein au sein même des foyers, des amitiés, des familles, des structures, des institutions, des partis politiques… Les groupes d’influence récupèrent tout, instrumentalisent, manipulent, mentent, tirent tant la couverture que nous en perdons l’équilibre.

Réutilisées, récupérées, cultivées, gonflées à outrance par les médias, ces nouvelles batailles font rage. Elles se sont faites maîtresses des plateaux de télévision, des ondes radio ou du papier torchon. Le voisinage devient l’objet d’un décor pire que celui de la Somme, en 1916. Tout y est dévasté et chacun avance sur les décombres d’une fraternité devenue inexistante.
Les taux d’audience deviennent prioritaires sur le recul et la réflexion. Le libre arbitre n’est plus que le témoin muselé d’un effondrement communautaire. Tout le monde se bat, mais plus contre le virus. La peur et la sécurité sont, une fois encore, redevenus les maîtres mots. Deux concepts inverses, semeurs de trouble et de division, responsables de la perte de repères et de l’anéantissement du raisonnable.

Diviser pour mieux régner. C’est pourtant vieux comme le monde. Comment pouvons-nous encore tomber dans le piège ? Les dirigeants ont manifestement eu raison de surfer une fois encore sur la vague… Nous ne sommes décidément pas sortis des instincts les plus vils, ni des réflexes d’une survie à laquelle nous dérogeons.

La scission est partout, la fracture est totale. Les gouvernements le savent et soufflent sur cette flamme dévastatrice. Désunir, c’est gagner.

Alors, afin de réussir à leur ravir cette triste victoire, restons unis.
Le sujet principal demeure la vie, et la reconnaissance d’une nature humaine somme toute bien fragile devant les ravages perpétrés par un organisme aussi microscopique. Faisons taire une fois pour toutes la conviction que l’homme est tout, alors qu’il est le seul être vivant capable de détruire son prochain, par idéologie ou intérêt. Cessons de penser que la guerre pour les ressources, la consommation massive, l’appauvrissement, l’économie de marché, la dévastation naturelle et l’argent fait roi resteront les seules vérités dominantes, au sortir de la catastrophe pandémique. Peut-être alors aurons-nous une petite chance de construire un monde dans lequel nos enfants pourront expérimenter l’harmonie.

Ne voyez là aucune leçon ni prosélytisme d’aucune sorte.
Les temps qui règnent sont incertains, les hommes sont imparfaits et par voie de conséquence, perfectibles. Le moment est venu de le prouver.

 

 

 

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