J – 60 : « Quand le démenti ne dément rien »

 

07 avril 2020 – Petit salon – Domicile familial – 05h30 du matin

Je me suis endormie comme une souche devant la télévision, dans un canapé trop âgé pour demeurer confortable. Les douleurs rhumatismales qui m’assaillent dès le lever me rappellent non seulement mon âge, mais la propension de ce vieux meuble à détruire toute dignité musculaire. L’on se réveille telle une caricature, voûtée comme Disney l’aurait adoré. À côté de moi ce matin, ses sorcières se retrouvent reléguées au rang de débutantes. Un personnage à la « Madame Mim » *, digne des meilleurs contes de fées.

Je maudit le manque de qualité du rembourrage qui m’a faite me retourner toute la nuit, sans arriver à trouver le repos. La culpabilité me rattrape cependant bien vite, contrant mon évidente mauvaise foi. Il apparaît effectivement que le sport et moi sommes deux notions contradictoires ; et mon capital génétique n’arrange rien. Mais peu importe ; ce qui compte est de se réveiller pour profiter du jour nouveau, quel qu’il soit. Même bossue.

Je tente de raviver ce qu’il me reste d’énergie en avalant la moitié d’un sachet d’amandes et plusieurs bâtonnets de bananes séchées. Leur apport minéral participera peut-être efficacement à prévenir l’apparition de mes futures courbatures, et amoindrira sans doute la douleur des crampes qui me broient les mollets.
J’ouvre les fenêtres pour faire entrer l’air frais du matin au coeur de la maison. Les véhicules circulant beaucoup moins, ce plaisir simple redevient possible. Je sors au-dehors, ma vieille étole tibétaine sur le dos et les mains posées autour d’un mug bouillant.
Toute à l’écoute du premier chant des merles, je me remémore le contenu de l’article lu hier au soir, avant le vautrage sur canapé. Son seul contenu m’a remplie d’espérance, un court instant.
La crise du coronavirus soulève des questions sanitaires mais aussi sociétales, politiques, démocratiques et environnementales. L’épidémie Covid-19, qui s’est entre autres accompagnée de la baisse de la pollution atmosphérique dans les grandes villes confinées, a effectivement montré combien les activités humaines influaient sur la nature. C’est à la lumière de ces constats que le fond mondial pour la nature et la WWF * ont appelé la France à adopter un « filet de sécurité » sanitaire, économique et écologique vers la sortie de crise. (1) Mais allons-nous seulement obéir à cet impératif supplicatoire ? Je l’espère de tout coeur, malgré une tendance de plus en plus ancrée à douter de l’implication humaine en matière de protection et de respect de la vie.

Revigorée par la froideur matinale, je réintègre mes pénates et décide de directement monter à l’étage m’atteler à la tâche. Aujourd’hui est un jour important. Le chapitre huit paufiné et posté, sa suite va comprendre des éléments complémentaires à l’histoire de Zia, qui influera dorénavant plus avant sur la vie d’Emile. La confirmation officielle d’une pandémie va également les étreindre et ébranlera leurs certitudes, si tant est qu’ils en aient jamais eu. Cela, la suite du roman le dira…
La stratégie s’avère cruciale ; je n’ai pas le droit à l’erreur. Afin de ne pas me risquer au risible, je complète ma connaissance des événements par de nouvelles lectures. Les articles additionnels sur lesquels je tombe me serrent de nouveau le ventre.
Les chiffres sont édifiants
et forcent le respect vis à vis du minuscule organisme qui nous assaille. Près de 8078 patients sont décédés dans notre pays, au moment même où 1,2 millions de personnes sont d’ors et déjà atteintes du virus dans le monde. (2) Leur nombre ne cesse d’augmenter, et la débandade mondiale continue de laisser d’autres victimes sur son chemin. Aucun protocole commun n’a été jusque là été adopté. Chaque pays y va de sa propre solution, sans logique autre que la persistance des dirigeants respectifs à suivre leurs propres convictions ou idéologies. La chose est gravissime.

Je m’apprête à partager avec mon époux le contenu de mes dernières recherches, quand mon regard est attiré par un gros titre, aussi racoleur dans la taille de ses typographies qu’il ne l’est de son champ lexical : « Coronavirus : Non, ce journal télévisé italien de 2015 ne prouve pas que le Covid-19 a été créé en laboratoire ». (3) Cela sent le démenti de dernière minute, catapulté sur tous les journaux en ligne, et relayés dans tous types de médias. J’allume la radio afin de vérifier si les ondes débattent des articles du Net. Mon attente ne dure pas longtemps…
Un tir croisé sur la toile me confirme que la remise en surface d’un reportage de la RAI *, initialement diffusé en 2015, a très rapidement alerté les hautes autorités, médiatiques, scientifiques comme gouvernementales. À l’origine de ce remue ménage, l’émission Leonardo. Celle-ci avait consacré un reportage à une expérience menée en laboratoire sur le virus du Sras *, ayant sévi en 2003 et faisant partie, tout comme le Covid-19, de la famille des coronavirus.

« C’est juste une expérience, mais elle suscite de nombreuses inquiétudes », avait lancé le présentateur de l’émission, précisant dans la foulée qu’un groupe de chercheurs chinois avait greffé une protéine provenant de chauves-souris sur le virus du Sars, prélevé quant à lui sur des souris. En avait résulté un « super virus », pouvant potentiellement frapper l’homme. Afin d’éviter toute panique inutile, le présentateur italien avait cependant rassuré ses téléspectateurs en soulignant que le virus demeurait « confiné dans un laboratoire ».
Je comprends instantanément pourquoi, au ressortir de ce reportage
relayé le 25 mars dernier par Matteo Salvini, ancien ministre de l’Intérieur italien, le risque de « contamination virtuelle » inquiète tant les grandes instances du contrôle des informations, et des populations.
Publié le 27 mars sur une chaîne francophone avec le titre « Un coronavirus créé en laboratoire », puis relayé derechef sur le site d’hébergement YouTube, il a cumulé près de 110.000 vues en un temps record. (3)
Les nombreux démentis, en ce 7 avril, ne se privent donc pas de répéter à tout-va que les expérimentations portaient sur « un virus différent du Covid-19 », afin de pouvoir calmer sur-le-champ tout affolement ou toute velléité dite « conspirationniste ». Si les laboratoires de recherche classés « haute sécurité » avaient déjà travaillé à d’hypothétiques projets de manipulation génétique en accord avec leurs gouvernements ou conjointement avec leurs ministères de la défense, cela se saurait !

Je termine de jouer les Sherlock Holmes en tentant de trouver trace de l’étude scientifique du dit « groupe de chercheur chinois » faisant état de leurs travaux, mais ne réussis à mettre la main que sur du vide, mêlé d’une foule de démentis tous plus tapageurs les uns que les autres. De quoi s’imaginer que lorsque l’on crie si fort que tout est faux, il y a peut-être une chance qu’une partie de la vérité demeure, comme la plupart d’entre-nous, confinée…

 

 

* Madame Mim : personnage de fiction créé en 1963 pour les studios Disney à l’occasion du film « Merlin l’Enchanteur ».

* WWF : World Wide Fondation (Fondation pour la protection de la vie sauvage dans le monde)
(1) Source : La Depêche.fr / AFP / WWF - Article « L’appel du WWF pour créer un “filet de sécurité” » - Rédaction : Isabelle Autissier, présidente de WWF France. (07 avril 2020)

(2) Source : CNEWS / AFP – Intervention au micro de Jérôme Salomon (06 avril 2020)

(3) Source : Journal en ligne « msn.com /Fr / Actualité» - Rédaction : Mathilde Cousin (07 avril 2020)

*RAI : Radiotelevisione Italiana S.p.A. ( litt. Radio-télévision italienne, Société par actions) - Principal groupe audiovisuel public italien.

* SRAS : Acronyme de « syndrome respiratoire aigu sévère », calque de l’anglais SARS , pour Severe acute respiratory syndrome.

 

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