J – 54 : « Quand la renaissance supplante le doute »

13 avril 2020 – 06h45

Le week-end de Pâques n’a pas été prolifique. Le serveur hébergeant mon blog s’est retrouvé totalement à l’arrêt. Impossible de partager le contenu de mes écrits avec mes lecteurs, toujours contraints au confinement. Je décide de les en informer en préparant des annonces et m’enjoins à rédiger à l’avance de nouveaux billets. Dès que les équipes techniques, réduites au minimum du fait des circonstances pandémiques, auront pu répondre aux dysfonctionnements informatiques, je posterai le fruit de mon labeur afin que le fil des lectures ne s’interrompe pas trop longtemps.
Je
dois également entamer la rédaction du chapitre douze, dans lequel les existences d’Emile et Zia commenceront concrètement de basculer. Et pas que les leurs, d’ailleurs…

La « cheffe d’orchestre » que je suis devenue frémit à l’idée que d’autres vies fictionnelles vont également avoir à pâtir de l’activité frénétique d’un seul micro-organisme. Son exceptionnelle capacité de reproduction, d’adaptation et de mutation va mettre à mal la vie animale dans le monde entier, au point que même mon imagination me crie de ralentir un tantinet la cadence, afin de rester un minimum crédible. Il est impératif d’éviter que l’adhésion à l’histoire ait à souffrir d’un scénario remâché, à mille lieues des réalités. Et c’est justement là que réside toute la difficulté de l’exercice. Le défi que je me suis lancée m’oblige à quotidiennement jongler entre faits réels et fiction, et revient à exécuter un numéro de haute voltige sans filet de sécurité, et sans y avoir été entraînée. Mais qu’est-ce-que qui t’a pris d’aller encore te fourrer dans ce guêpier ?

Le doute commence sérieusement à m’étreindre et je reste pourtant parfaitement incapable de répondre à cette récurrente question qui, pour couronner le tout, ne cesse de me tarauder depuis le réveil.
À moitié endormie sur mon clavier, les yeux à trente centimètres de l’écran, je tapote sans conviction. Depuis le 17 mars dernier, les jours cumulés à écrire des heures durant m’épuisent et m’acculent. Je me rends compte que mes batteries commencent très sérieusement à se vider.
Le repos serait
évidemment de mise, mais les pauses continuent d’être quotidiennement ponctuées de bulletins d’information plombants à souhait. Il faut admettre que la conjoncture et la situation sanitaire peuvent potentiellement apparaître comme anxiogène. C’est le moins que l’on puisse dire. Néanmoins je persiste et signe. J’ai promis à mes lecteurs, comme à moi-même.

Depuis ma plus tendre enfance, j’ai une fâcheuse tendance à me mettre dans des postures parfois inextricables. La barre est toujours haute, parfois beaucoup trop. Souvent beaucoup trop. Sans doute la marque de fabrique du manque de confiance que je conserve chevillé au corps depuis mes jeunes années. Relever des défis, c’est gagner en estime de soi. Plus elle est basse, plus l’épreuve que l’on s’astreint à vivre est grande. Cela peut effectivement s’avérer harassant. Une aubaine pour l’inconscient, qui crie à l’innocence.
J’ai tout fait pour sortir des méandres d’un esprit forgé à l’exploit par des années de survivance en terrain hostile. La tyrannie familiale, qu’elle se montre perverse ou narcissique, fait peu de cas de la jeunesse de sa victime.

Tous les scénarios de changement ont pourtant été envisagés. Tous les pardons que j’ai eu à faire se sont inutilement cumulés, des décennies durant. Qu’à cela ne tienne ; tant pis. Je ferai sans eux.

Je pense qu’il n’existe personne, dans mon entourage, qui ait été épargné par mon histoire. Tout le monde la connaît. Le contraire aurait été étonnant, surtout depuis le temps qu’elle m’obsède. Quoi que je fasse, elle me rattrape, continuellement.
Ce qui me fait le plus de peine est de ne pas être arrivée à devenir un meilleur filtre. Peut-être aurais-je alors été plus à même de protéger mon propre cercle. J’aurais tant souhaité éviter à ma fille le navrant spectacle d’une mère traumatisée, ployant sous le joug continuel du dysfonctionnel. Quant à mon époux, il m’a à juste titre récemment souligné que chacun payait la note de mon enfance, et il ne sait que trop à quel point elle a pu se révéler salée. Des années de thérapie et un colossal burn-out suffiront plausiblement à colmater la brèche, qui sait ?

Quoiqu’il en soit, je reste solidement campée sur mes deux jambes, bien décidée à en finir avec le malheur. Prévoir, c’est avancer. Alors je prévoie, et je crée. L’écriture me redonne le souffle que je n’avais plus. Et que la barre soit haute ou non, elle attise ma passion du mot, des histoires et du rythme. Ce dernier me maintient en vie, forcée que je suis à tenir la barre. Il me permet au jour le jour d’ouvrir une fenêtre sur l’imaginaire et d’envisager l’espoir, pourquoi pas.
En ce lundi de Pâques, la renaissance est envisageable. Et comme je ne connais pas l’avenir, je le construis de toutes pièces. S’il ne peut pour l’instant prendre source dans la réalité, au moins peut-il se montrer plus clément au sein des pages vierges que je noircis.

 

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