J – 25 : Quand le « monde d’après » tire sa révérence

12 mai 2020 16h15

Première partie du chapitre quatorze : check ! Seconde partie : en phase de relecture et d’élagage avant postage, histoire de le rendre plus digeste. Le roman prends corps, doucement mais sûrement. Le concret devient palpable, le nombre de pages cumulées en attestent. Le nombre de chapitres complémentaires aussi. Encore faut-il que la qualité du texte qu’elles renferment soient dignes d’être lues et digérées sans que le lecteur fasse une overdose d’alambiqué, de maladroit ou de pompeux. Ce dont je doute parfois, à la relecture.

C’est fou comme les quelques jours séparant l’effort de la ponte et le ramassage des œufs peuvent éclairer sur la qualité de la poule ! À chaque fois, je désespère quelque peu. Il devient de plus en plus clair qu’écrivain est un métier et ne s’improvise pas. Et les heures passées à tâcher de donner de la cohérence au récit n’y change rien. La profession est d’autant plus ingrate qu’en plus de l’énorme potentiel de travail qu’elle nécessite, le talent en est indissociable. Ce qui n’est bien évidemment pas donné à tout le monde.

Cette injustice de dame nature n’est pas pour me rassurer. On a beau dire que la pertinence d’un projet ou sa réussite tournent moins autour du talent que du travail, il en faut tout de même une bonne pincée pour arriver à ses fins. Rajoutons à cela une petite dose de chance, sans laquelle peu de paires d’yeux viendront se poser sur le résultat de mois d’intense transpiration ! Et cela sans parler des soirées ou des nuits à relire et corriger, les yeux au fond des godasses.
« 
La vie d’artiste, ma bonne dame ! Vous n’avez décidément rien inventé. La bohème, ce n’est pas nouveau. Et encore, pas de plaintes ! Vos travaux d’écriture ne se font ni à la plume ni à la lumière de la lune, recroquevillée au fond d’une mansarde en soupente ; n’exagérons rien tout de même. Vous bénéficiez de tout le confort nécessaire pour vous pencher sur votre ouvrage sans risquer à tout instant de périr d’inanition ou des affres du froid. Alors laissons là vos prérogatives d’écrivailleuse bobo en mal d’énergie ! ».

Allez, ça recommence ! Je vais encore me jouer la grande scène du trois ! Non, sérieusement…

Ceci étant, il est clair que le réveil n’est jamais très agréable. Mais cela a le mérite de secouer le prunier et, qui sait, de faire potentiellement tomber des fruits comestibles. Je mets en conséquence ma propension à m’entêter au service de ce qui pourrait virtuellement devenir un livre. Au moins cela servira-t-il mon propos, et mon amour des mots. Le tout est d’apprendre à les mettre dans le bon ordre. Le jeu peut s’avérer complexe, mais demeure passionnant. Après tout, nager ne s’apprend qu’une fois immergé. Avoir de l’eau jusqu’au cou semble être l’étape incontournable. Alors, allons-y gaiement.

Je retourne donc aux touches de mon clavier, reprenant le cours des aventures de mon petit vieux. Cette fois, il passe un cap. Sans le soupçonner le moins du monde, le voici qui débarque chez une personne bien plus proche de lui qu’il ne le croît. Le tout saupoudré d’une Zia indéfectible, toujours à ses côtés. Sans oublier le virus omniprésent, menaçant de proliférer à tout instant. Ce qui ne manquera pas d’arriver très bientôt. Mais forgée comme je le suis au caractère néfaste du spoil, je me garderais bien d’en dire plus. Ma cinéphile de fille ne me le pardonnerait pas. Pas plus que mes proches ou mes vieux amis, résolument amoureux des histoires, sous toutes leurs formes.

Tachant de me concentrer pour équilibrer la dose de révélations, je m’attelle à ne pas noyer les personnages sous trop de rebondissements, sans quoi les événements qui les lient risquent fort de les faire tomber dans une mélasse à la sauce « Dallas ».
J’ouvre une fenêtre pour faire entrer l’air frais, prête à prendre une magnifique rasade d’air printanier et revigorant pour la matière grise. Mais la réalité me rattrape aussitôt, provoquant dans ma tête une déflagration aussi importante que celle générée par la Grosse Bertha *. Tout ce que j’obtiens en actionnant le panneau vitré, c’est une monumentale bouffée de monoxyde de carbone, savamment orchestrée par une foule de conducteurs hystériques au volant de leurs véhicules individuels motorisés.

Depuis le déconfinement, c’est une pure folie. Personne de repense au magnifique voile levé sur la nature et les animaux retrouvés, durant le confinement. Oublié, le trou refermé dans la couche d’ozone en moins de deux mois ; négligés, les aigles disparus depuis cinquante ans et récemment revenus en Charente ; méprisées, les abeilles réapparues pour polliniser les fleurs et le vert comestible ; dédaignés, les arbres et l’environnement ; terminé, le silence… L’humanité vient de faire son merveilleux “coming out”. Pas de doute, elle est de retour; plus cérébrée que jamais !
Vive le bruit, le glyphosate assassin et les particules fines répandues dans l’air ; sans compter le virus, que tout le monde vient instantanément de zapper, menaçant d’entamer le second acte de sa meilleure prestation : la pandémie.

Le « monde d’après ». Tu parles… Du flan tout ça ! L’être humain revient, dans toute sa splendeur; plus déjanté, consumériste et envahisseur que jamais. Ah, le déni… La tête dans le sable, jusqu’au bout du bout ! Résolument téléguidé, drogué, entamé ; dans l’incapacité manifeste de se sortir de son extinction programmée. Et c’est peut-être tant mieux pour la planète, après tout. C’est ce que je fini par me dire en me renfermant dans mon bureau, étouffée par ma contrariété et claquemurée dans ma panique de voir autant de bêtise et d’inconscience au-dehors.
Si tant est qu’ils leur reste un soupçon de neurones, les gens devraient avoir été saisis par l’ampleur d’un tel événement planétaire ! Ils auraient dû à tout le moins être secoués, touchés ou réveillés ; ce dont je fini par douter en voyant les vidéos des longues files d’attente à touche-touche devant chez Zara ou MacDo. Sans parler des enseignes de la grande distribution ou des magasins de bricolage, qui ne désemplissent plus. Du grand n’importe quoi !

À mon grand désarroi, le « monde d’après » vient de redevenir le « monde d’avant ». À une différence près : c’est pire !


 

 

*  La Grosse Bertha : (en allemand : Dicke Bertha) est une très grosse pièce d’artillerie de siège utilisée par l’armée allemande lors de la Première Guerre mondiale

 

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